Le pont de la rivère Kwai (v.o. : The Bridge on the River Kwai)
|Royaume-Uni - États-Unis - 1957|
|Drame de guerre|
|161 minutes - Couleur - v.o. : Anglais, Japonais et Thaï|
|Réalisateur: David Lean|
Le pont de la rivière Kwai, basé sur un roman de Pierre Boulle, arrive à un moment après la Seconde Guerre mondiale où Hollywood n’est pas en pénurie de film de guerre. David Lean n’est pas le premier choix du producteur Sam Spiegel. Initialement, c’est un film de studio, rien de plus. La consécration du film n’est pas ses 7 oscars, mais plutôt son influence sur le cinéma américain. Le film se classe en 36e position des meilleurs films de tout le temps selon L’AFI, un fait surprenant considérant qu’il traite davantage de l’identité britannique que de l’identité américaine.
Le film relate l’histoire de prisonniers de guerre menés par le Colonel Nicholson (Alec Guinness), forcés par le Colonel Saito (Sessue Hayakawa) à construire un pont ferroviaire enjambant la rivière Kwai tandis qu’un commando des forces alliées à la mission opposée de le détruire.
Sous cette prémisse banale, ce qui est raconté dans le film c’est les similitudes entre deux extrêmes qui semblent friser la folie par leur entêtement. Je parle du personnage d’Alec Guinness et de celui de Sessue Hayakawa. Le premier obéit strictement à la convention de Genève. Même sous la torture, il refuse de faire travailler ses officiers. Le second obéit au code du bushido et n’hésiterait pas à fusiller tous les soldats réticents, s’il ne parvenait pas à terminer le pont à temps. Chacun serait prêt à mourir avant de céder sur ses principes. L’entêtement britannique rejoint l’entêtement japonais dans la folie, ce qui rend le film d’autant plus intéressant. « Are they both mad? Or am I going mad? Or is it the sun? » dit le Major Clipton (James Donald).
Alec Guinness (Colonel Nicholson) et Sessue Hayakawa (Colonel Saito) |
Le pont de la rivière Kwai, c’est aussi peut-être un film sur la relation de l’artiste à son œuvre. Le pont est peut-être une œuvre faite sous la contrainte, représentant la victoire japonaise, le colonel Nicholson y attache un sentiment de fierté et d’accomplissement représenté par ce plan de lui en face de la plaque clouer au pont sur laquelle il a fait inscrire son nom. À la fin du film, lorsque le commando des forces alliés arrive, il est incapable de les laisser démolir le pont, son œuvre, il meurt en tentant de la défendre, en lançant néanmoins un dernier regret : « What have I done. » Le pont a été détruit, mais pas sans que les soldats britanniques se soient entretués (un moment plutôt audacieux). Le film se termine sur un plan du Major Clipton où celui-ci s’écrie : « Madness... Madness ». La folie a triomphé.
Le personnage d'Alec Guinness et la plaque qu'il a fait clouée sur le pont |
Le pont de la rivière Kwai, c’est un film que j’aime tant parce que dans un film à grand déploiement, un film sur la Seconde Guerre mondiale qui plus est, David Lean est un des seuls à avoir ce type d’ambition. Bâtir tout un pont, utiliser tant de plans larges, nous offrir des personnages principaux intéressants, mais un peu fous joués (voir aussi Lawrence d’Arabie) admirablement par Alec Guinness et Sessue Hayakawa. Cette audace est symbolisée plus éloquemment par les quatre ou cinq plans où la caméra est pointée par le soleil pour suggérer la chaleur accablante qui détraque les esprits, un plan que Lean répète seulement 7 ans après Rashomon de Kurosawa.
Dans ce film presque parfait, il n’y a que les concessions que je regrette : la présence de l’américain joué par William Holden, qui selon moi ne devait être là que pour attirer un succès aux États-Unis, et les scènes du personnage d’Anne Sears qui selon David Lean lui-même sont présentes parce que Sam Spiegel, le producteur, trouvait que le film manquait de femmes.
Commentaires
Publier un commentaire