Journal de Courts Métrages Expérimentaux no 3
Image provenant de Lunar Almanac (2014) |
Journal
de court métrages expérimentaux no 3.
Voici
de courts avis sur huit des neuf courts métrages expérimentaux projetés à la
cinémathèque dans le cadre de la deuxième partie de la série. Les films ont été
visionnés le 16 juin 2024 à la cinémathèque.
Mes
souvenirs du film lacuna de Shannon Harris sont trop incomplets pour que
je puisse en parler.
La
noirceur souterraine des racines par Charles-André Coderre (2022).
Ce
film est pour moi une expérience de cinéma assez inédite. Il a été projeté par
trois projecteurs 16mm sur le même écran. Les images de ses trois projecteurs sont
collées les unes aux autres ce qui donne un aspect-ratio d’environ 4 : 1. Excepté
Napoléon d’Abel Gance je ne connais pas de films respectant ce format.
Avec
ces procédés, La noirceur souterraine des racines est un film qui permet
de mieux voir la nature. Bien qu’ils soient mis un à côté de l’autre les trois films
projetés sur l’écran ne montrent par le même portrait. Si l’une des films
permet de voir l’objet de près, l’autre permet de le voir de loin. On peut voir
l’arbre et les ramifications les plus subtils des racines tout à la fois. On
peut voir une fleur et l’insecte ensemble aussi. Les films jouent aussi chacun
à différents rythmes, le regard est donc constamment stimulé. Sans être capable
nécessairement de distinguer chaque image, on a avec La noirceur souterraine
des racines l’impression d’améliorer notre regard sur la nature.
Unearthed
par Karl Lemieux (2024)
Un
film tourné dans le nord de la Russie. Pour accompagner la désolation des lieux
inoccupés qu’il filme, Karl Lemieux utilise une pellicule altérée voir dégradé.
Les immeubles semblent tour à tout être dessinés au pastel et ensuite, il
semble exploser et disparaitre lorsque de grandes taches de blancs recouvrent
la pellicule. Le portrait que présente ainsi Lemieux semble amener le film sur
les terrains d’un film apocalyptique. À la vue des voitures accidentées laisser
comme cadavre d’une civilisation on dirait que nos pires craintes de guerre
nucléaires se sont réalisées. Il est vrai qu’on voit quelques humains dans ce
film, mais toujours en silhouette lointaine, seule et marchant vers des buts
inconnus. Unearthed est un film qui m’a beaucoup troublé.
Unearthed veut dire “déterré”, dans le
film le mot est décomposé pour prendre une autre signification : c’est faire
que la terre ne soit plus la terre, qu’elle soit la proie de l’apocalypse.
All-Around Junior Male par Lindsay
McIntyre (2012)
Un
film assez fascinant sur la performance d’un sport inuit. Faire un
court-métrage sur ce sujet méconnu et ancestral semble bien se prêter aux
techniques manuelles utilisées par la réalisatrice. La forme est ainsi plus
libre, plus joyeuse, comme semble l’être le garçon qui pratique ce sport. À certain
moment, lorsqu’il a le pied levé et que la réalisatrice utilise des ralenties,
on pourrait se croire dans un court-métrage de dance. La musique lyrique
contribue à apporter ce film au-delà des représentations habituelles des sports
vers des dimensions plus spirituelles et libératrices.
lunar
almanac par Malena Szlam (2013)
La lune est peut-être l’objet le plus photographié de tous les temps. Et
pourtant, lunar almanac parvient, d’après moi, à la montrer encore sous
un jour nouveau. On voit la lune à travers ses différentes phases, ses
mouvements et même lorsqu’elle est cachée par des objets. Malgré tous ces
procédés, il semble que jamais son mystère et la fascination qu’on a pour elle
ne diminuent. L’un de mes effets préférés dans le film advient lorsque la
luminosité de la lune est augmentée. Dans ces instants, on semble voir un
soleil. Pourtant on continue à la reconnaitre. C’est l’un des rares objets qui
peut changer de formes sans que sa capacité à être reconnue soit atteinte et
sans que son unicité soit remise en cause. Même après avoir marché dessus et
l’avoir étudiée de fond en comble, on n’a pas terni sa beauté. Alors, d’une
certaine manière je trouve dommage que la lune soit si peu souvent le sujet
principal de nos œuvres artistiques. Kant disait que deux choses le
remplissaient d’une admiration et d’un respect toujours renaissant : « le ciel
étoilé au-dessus de [nous] et la loi morale en nous ». On devrait s’en
souvenir.
Traces
par Erin Weisgerber (2014)
Traces
fait particulièrement penser à Pas de deux de Norman McLaren. Tout comme dans ce film expérimental fort connu, les corps
des danseurs laissent des traces derrière eux pour créer de nouvelles formes et
rendre les mouvements immobiles. Erin Weisgerberg ne garde pour l’essentiel que
la fin du film de McLaren, c’est-à-dire que les plans des danseurs sont plus
serrés et qu’ils ne permettent pas d’identifier les corps en tant qu’humains à
tout moment. De plus, elle utilise un effet de réflexion au centre de l’image à
certains moments. La forme humaine se rapproche alors plus d’un test de
Rorschach que d’une danse, peut-être le mot trace prend alors une autre de ses
définitions : « marque ». Prendre le corps et les mouvements humains pour en
faire de l’art abstrait est une idée qui m’intéresse fortement. Bien que
Weisgerber s’inspire de McLaren, le film a donc su maintenir mon intérêt.
Perceptual
Subjectivity par Phillipe Léonard (2009)
Le court-métrage s’ouvre sur des plans de connexions, de lignes noires
sur fond blanc, peut-être représentent-elles des connexions neuronales. Quoi
qu’il en soit, le film essaie de mettre en image sur écran les images que l’on
construit dans notre tête lorsqu’on entend des mots, lorsque nous faisons des
connexions entre deux concepts. On se croirait sur le terrain de la philosophie
de Ludwig Wittgenstein. À un moment, des mots difficiles à lire glissent sur
l’écran à la vitesse d’un train derrière eux. Cette association vitesse/mot
effraie. Mais, tout le film effraie aussi. Il y a des jumpscares très doués.
J’ai commencé à me demander si je n’avais pas vu une tête de mort. Même le
générique du film participe au sentiment d’angoisse. Il défile si vite en répétant
les mots comme des attaques que je n’ai eu aucun répit devant ce film sauf
quand les lumières se sont éteintes.
People on Poppers par Eduardo
Menz (2013)
Pas
grande chose à écrire sur ce film pour vrai. Rien de particulièrement innovant
dans les gros plans. Je remarquais le malaise des personnes filmées ainsi que
leur stresse dans leurs déglutitions fréquentes, mais ça ne m’a pas ébloui.
Quand le titre est apparu et que les gens ont commencé à rire, je me suis dit
que les gens riaient parce que le film était totalement pourri. Je ne connais
tellement rien aux drogues qu’il m’a fallu une recherche Google pour savoir ce
que c’est qu’un « poppers ». Un film insignifiant.
Engram of Returning par Daïchi
Saïto (2015)
J’étais
assis à côté de Daïchi Saïto lors de la projection des courts-métrages. Pas
d’autres choses à ajouter sur le sujet, mais je croyais que c’était cool de le
mentionner.
Engram
of Returning, c’est un travelogue d’une belle variété et d’une ingéniosité
commandable. Entre chaque image, une pause sur fond noir est laissée. Ce n’est
pas à mes yeux pour donner un répit, mais pour ajouter au mouvement perpétuel
des images. C’est-à-dire, chaque image est déjà en mouvement, mais en ajoutant,
ces fonds noirs, en omettant une image fréquemment, on dirait que le débit est
accéléré. De plus, ça permet de se laisser imprégner par le flot d’images en
tant que flot justement et pas simplement pour la beauté des images. Les images
elles-mêmes semblent être tirées de différentes parties du monde, chaque
environnement est identifiable, mais Saïto parvient à effectuer des transitions
fort belles pour garder la continuité. À un certain moment, par exemple, une
vague frappe un rocher et sa forme, grâce au montage, semble donner vie à une
rangée de palmiers. Le film gagne grandement en intensité vers la fin lorsqu’il
devient évident que le réalisateur montre des images d’une ville. Ces images
sont moins facilement identifiables que celles des environnements précédents
(montagnes, eaux en mouvements, palmiers), mais simplement par leur vitesse et
leurs aspects frénétiques une bonne partie des informations requises ainsi que
le style de vie de cet environnement urbain nous sont communiqués.
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